Les choses semblent « bouger » dans la position
de l’Algérie. Des experts algériens ont participé
à une réunion de préparatifs à l’action armée
au nord du Mali. Une évolution ouvertement
souhaitée par les Américains au cours du briefing
donné à la presse dans l’avion qui conduisait Mme
Clinton à Alger.
L’Algérie et les Etats-Unis vont
poursuivre le dialogue stratégique
entamé le 19 octobre dernier,
a indiqué, hier, l’assistante de la
secrétaire d’Etat américaine pour les
Affaires du Proche-Orient, Mme Anne
Elisabeth Jones. Selon elle, l’Algérie a
« un rôle leader dans la lutte contre le
terrorisme et l’extrémisme » et son « expérience
importante » en fait un « partenaire
privilégié et important des
Etats-Unis dans cette lutte au niveau
de la région du Sahel, notamment
dans le nord du Mali ». Mme Jones s’exprimait
ainsi à la suite d’un entretien
avec le ministre des Affaires étrangères,
M. Mourad Medelci.
Par ailleurs, des experts algériens ont
participé avec des homologues africains
et onusiens a une réunion à Bamako
pour mettre au point le « concept
d’opération » d’une intervention
armée dans le nord du Mali occupé par
des islamistes armés, une intervention
jugée « inévitable » par le ministre malien
de la Défense. La rencontre devrait
aboutir à des propositions « concrètes
pour l’adoption d’un concept
stratégique pour libérer le nord de notre
pays », selon le colonel Yamoussa
Camara, ministre de la Défense du
Mali. Même si la participation au niveau
des « experts » n’engage pas totalement
la présence des Algériens est
un signe d’un infléchissement de la
position algérienne. Cette question du
rôle que devrait jouer l’Algérie était au
coeur des propos du diplomate du département
d’Etat en charge du terrorisme
dans le briefing donné dans l’avion
de Mme Clinton. Ce « diplomate sécuritaire
» a d’emblée confirmé que le
« contre-terrorisme » a été le prisme à
travers lequel la relation bilatérale s’est
développée. Il parle « d’affinité naturelle
» de l’administration Obama avec
l’Algérie avec une « préoccupation partagée
» au sujet d’Aqmi dont la filiation
algérienne est rappelée à travers l’évocation
du GSPC. Il note que le gouvernement
algérien a mené contre le
terrorisme une « campagne très efficace
au cours de nombreuses années et
à un coût énorme ».
ENORMÉMENT
DE « CHOSES EN JEU »
L’Algérie dispose d’un « niveau unique
de connaissances » sur ces groupes
terroristes. L’Algérie qui est « l’Etat
le plus fort du Sahel est devenu un
partenaire essentiel dans le traitement
d’Aqmi ». Il souligne que l’Algérie a été
à la pointe pour s’opposer aux payements
de rançons à la suite des enlèvements.
Il juge cette opposition justifiée
et « essentielle » car les rançons sont
devenues le moyen principal pour les
groupes terroristes de se maintenir.
Avec l’évolution de la situation au Mali
et l’effondrement des forces gouvernementales
de ce pays, l’Algérie est devenue
encore plus importante que jamais.
Il y a énormément de « choses
en jeu », « un très grand nombre d’intérêts
» et une « forte reconnaissance que l’Algérie doit être un élément central
de la solution ». Le moment est également
« très propice » car l’Algérie, qui
est « un pays fascinant en raison de son
héritage révolutionnaire, sa forte
croyance en la souveraineté nationale
et sa réticence à agir en dehors de ses
frontières, a fait des déclarations de
plus en plus fortes sur la nécessité de
lutter contre le terrorisme dans la région
». C’est, a indiqué le « sécuritaire »
du département d’Etat, un « sujet très
important ». « Notre coopération va être
vitale pour le rétablissement de l’ordre
dans le nord du Mali et la réduction de
la marge d’action d’AQMI et des différentes
options dont il dispose ». Quel
rôle jouera l’Algérie dans une éventuelle
intervention au Mali et quel sera celui
des USA ?
Le responsable choisit
de répondre d’abord à la deuxième
question en indiquant que les Etats-
Unis seront très favorables aux « efforts
de la CEDEAO et de la communauté
internationale ». Il ne veut pas « préjuger
de ce que les Algériens feront » mais
leur coopération est souhaitée. Selon
lui, de nombreux pays de la région
regardent avec attention l’Algérie
« pour son leadership ». « De toute
évidence, ils ne vont pas céder leur
souveraineté mais ils savent que l’Algérie
a des capacités uniques que
nul autre dans la région n’a vraiment ».
Il cite, à cet effet, ses moyens militaires,
sa « capacité de collecte de renseignements
», autant d’éléments qui font
que l’Algérie a un rôle « vraiment central
» dans la lutte contre AQMI.
L’ALGÉRIE, LA FRANCE
ET LA CEDEAO
Curieusement, au sujet d’un éventuel
changement de position de l’Algérie,
le responsable évoque de « récents
articles de presse » allant dans ce
sens. Comment agirait cette force de
la CEDEAO ? Le « sécuritaire » donne
le modèle de « l’AMISOM en Somalie,
où il y a une force dirigée par des Africains
fortement soutenue par la communauté
internationale, y compris à
la fois les Etats-Unis… ». L’une des
questions à aborder avec l’Algérie est
le rôle qu’elle pourrait jouer si la CEDEAO
fournit des troupes, a-t-il indiqué.
L’objectif de la visite est-il de s’assurer
du soutien de l’Algérie à l’intervention
? A cette question, le responsable
répond que les Algériens paraissent
plus souples à l’idée de discuter de ce
qu’ils peuvent faire mais, ajoute-t-il,
personne ne sera en mesure d’apporter
un soutien plein « jusqu’à ce que la
CEDEAO avance son plan, ce qui n’a
pas été encore fait ». L’Algérie pourraitelle
se sentir à l’aise avec une action de
la CEDEAO qui peut être un paravent
à une opération dirigée par les Français
? Le responsable du département déclare
ne pas être d’accord avec cette hypothèse.
« La raison d’avoir la CEDEAO
en première ligne avec les forces maliennes
est d’avoir un chef de file africain.
Donc la question pour les Etats-
Unis, pour la France, pour l’Algérie et
pour les autres Etats intéressés est de
savoir comment soutenir cette force ».
Tags:
Algérie
Etats-Unis
Mourad Medelci
Mali
Hillary Clinton
Source : Le Quotidien d'Oran