Une perte de 600 millions de dollars
et 400 établissements qui ont mis la
clé sous le paillasson en l’espace de
18 mois.
C’est, selon Bachir Msitfa, expert
économique, le bilan de l’imposition par le
gouvernement à la faveur de la loi de finances
complémentaire 2009 du crédit documentaire
comme moyen unique de paiement
des importations. Amar Ziad, président de
l’Unop (Union nationale des opérateurs en
pharmacie), avait estimé pour l’année 2010
que l’imposition du crédit documentaire a
généré des pertes de l’ordre de 1,5 milliard
de dinars pour les opérateurs et un manque
à gagner de 300 millions de dinars pour le
fisc. « Nous estimons les pertes financières
liées aux charges supplémentaires pour les
entreprises et pour la fiscalité à 700 millions
de dollars », avait-il déclaré en relevant que
de nombreuses entreprises avaient éprouvé
des difficultés à ouvrir des Credoc, ce qui a
poussé les entreprises à recourir au chômage
technique. Mais le recours au Credoc a
finalement été rodé de l’avis des entrepreneurs
sans pour autant que la question de
son coût ou de son apport à l’économie nationale – ici la réduction des importations –
n’ait été établie. Le gouvernement n’a pas
renoncé totalement à sa démarche. Il a cependant
assoupli sa position en acceptant à
la faveur de la dernière tripartite à ce que les
PME de « production » de services ou de
marchandises puissent avoir le choix entre
le Credoc ou la remise documentaire. Malgré
cet assouplissement de position, le gouvernement
ne s’est jamais engagé sur ce terrain
du débat sur le bien-fondé économique
de l’imposition du Credoc comme unique
mode de paiement des importations.
UNE « CATASTROPHE »
On chercherait en vain une estimation des
pertes ou des gains éventuels de la mesure
prise dans le cadre de la LFC 2009. L’impact
sur la réduction des importations, objectif
proclamé de la mesure, a été nul, selon l’avis
général. Côté entreprises publiques, l’impact
est aussi important même si les chefs d’entreprises,
astreints à la réserve, évitaient de
l’évoquer. C’est finalement l’ancien PDG
d’Air Algérie, Wahid Bouabdallah, qui avait
initié un mouvement de retrait des entreprises
publiques du FCE à la suite des « excès »
de critiques de cette dernière qui avait fini par rompre la réserve en s’alarmant publiquement
des « millions » de dollars perdus par
la compagnie du fait du Credoc. L’absence
de souplesse du Credoc ne permettait pas
l’achat rapide de pièces détachées et mettait
des avions sur le carreau. Bouadallah avait
souligné que le Credoc oblige la compagnie
à « augmenter, voire de gonfler nos stocks.
Parce qu’un avion qui est en panne, on ne
peut se permettre d’attendre pour acheter
une pièce de rechange ». Il est revenu à la
charge par la suite en termes plus crus.
« Avant, on allait sur place et en une heure
on achetait la pièce. Cette fois-ci, il faut le
crédit documentaire et un avis d’appel d’offres.
C’est la catastrophe pour une compagnie
aérienne (…). Il y a des protocoles en
matière de maintenance : telle panne demande
tant d’heures. Il suffit qu’il y ait un aléa
sur la disponibilité d’une pièce détachée et
le délai se voit dépassé…. ».
UNE GUERRE ADMINISTRATIVE
PERDUE CONTRE L’IMPORTATION
En tout cas, même si on ne dispose pas de
chiffres, des opérateurs sur le terrain ont fait
le constat d’un impact négatif. Ainsi, un importateur
d’intrants chimiques a souligné,
dans une déclaration au site maghrebemergent.
info que le « Credoc engendre entre
3,5% et 5% de surcoût sur les produits et les
matières premières importées. Avec la lettre
de crédit, il y a le contrôle de qualité automatique
que le fournisseur répercute sur
sa facture. Il est de l’ordre de 500 euros
par container. A cela, il faut ajouter la surcharge
administrative créée par la licence
statistique délivrée par les wilayas et exigée
pour chaque importation.
C’est un travail pour lequel j’ai été obligé
de recruter une personne ». Un expert
international souligne par ailleurs que
pour la gestion administrative du dossier
de Credoc, la banque se rémunère en
commissions de services pour cette gestion,
sans compter les frais postaux pour
l’acheminement des documents. « Toutes
ces commissions et frais sont bien entendu
répercutés à l’importateur. Les banques
européennes évaluent à environ 500
euros les coûts d’un Credoc de 10.000
euros ». Cela donne une indication assez
éloquente du « coût » d’un Credoc né d’une
guerre administrative, à l’évidence perdue,
contre l’accroissement des importations.
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Ahmed Ouyahia
Loi de finances
Source : Le Quotidien d'Oran