Au 5ème jour des frappes aériennes contre la Libye,
l’intervention militaire d’une coalition internationale
est de plus en plus critiquée, alors que l’Alliance
atlantique a été mise à l’écart pour le commandement
des opérations militaires décidées sous le couvert
d’une résolution onusienne pour liquider
Mouammar Kadhafi.
Hier mercredi, et après les vives critiques
de la Russie, de l’Algérie et de
l’UA, c’était au tour de la Chine de
dénoncer cette intervention militaire à travers
la presse. Pékin, qui n’a pas usé de son
droit de veto pour bloquer la résolution 1973
de l’ONU autorisant des frappes aériennes
et une zone d’exclusion aérienne, a lâché
mercredi sa presse qui s’est déchaînée contre
les pays qui pilotent cette intervention
militaire contre la Libye.
POURSUITE
DES BOMBARDEMENTS
De San Salvador où il a achevé une visite
en Amérique du Sud, chahutée par les événements
de Libye, le président US Barack
Obama a annoncé que les Etats-Unis ont
réduit de façon "significative" le nombre
de survols de la Libye par leurs avions, la
mise en place d’une zone d’exclusion aérienne
pouvant s’achever "sous peu"."Nous
voyons déjà une réduction significative des
vols d’avions américains au-dessus de la Libye",
a-t-il déclaré.
Les avions de la coalition internationale
impliqués dans les opérations au-dessus de
la Libye avaient effectué, depuis samedi et
jusqu’à hier mercredi, un total de 336 sorties
et conduit 108 frappes aériennes, a annoncé
le Pentagone. Avec 212 sorties, les
Etats-Unis représentent près des deux-tiers
de la totalité de l’engagement aérien, selon
des données arrêtées à 19H00 GMT mardi.
Les Etats-Unis ont notamment déployé
des chasseurs-bombardiers F-15 et F-16,
Harriers, des avions de guerre destinés à
brouiller les communications des forces pro-
Kadhafi ou encore des avions ravitailleurs.
Les autres pays de la coalition impliqués
dans les opérations aériennes à ce stade
(France, Grande-Bretagne, Italie, Canada,
Espagne, Belgique et Danemark) ont pour
leur part effectué 124 sorties.
En outre, plusieurs pays de l’Otan ont mis
au total 16 navires et sous-marins à la disposition
de l’Alliance atlantique pour faire
respecter l’embargo sur les armes imposé à
la Libye, dont cinq navires et un sous-marin
pour la seule Turquie, a annoncé mercredi
un général de l’Otan.
Les pays de l’Otan ont "offert 16 vaisseaux"
à l’opération de surveillance de
l’embargo sur les armes dont l’Alliance a
accepté mardi de se charger, a expliqué le
général canadien Pierre St-Amand au cours d’une conférence de presse à Bruxelles.
LA FRANCE ÉCARTE L’OTAN
DU COMMANDEMENT
Comme il était prévu, l’OTAN a été écartée
mercredi du commandement de la force
internationale mise en place pour imposer
une zone d’exclusion dans l’espace aérien en
Libye, devenue une opération militaire pour
chasser du pouvoir Kadhafi. C’est le ministre
français des Affaires étrangères Alain Juppé
qui a annoncé mercredi que l’Otan n’exercera
pas "le pilotage politique" de la coalition
internationale en Libye, où elle jouera un rôle
d’"outil de planification et de conduite opérationnelle"
pour établir une zone d’exclusion
aérienne. Après les raids menés principalement
par les Etats-Unis, la France et la Grande-
Bretagne, dans une deuxième phase,
"l’Otan interviendra comme l’outil de planification
et de conduite opérationnelle des interventions"
pour faire respecter la zone d’interdiction
aérienne prévue par la résolution
1973 de l’Onu, a affirmé le ministre au cours
d’une conférence de presse. "Ce n’est pas
(elle) qui exercera le pilotage politique de
l’opération", qui sera confié à un comité réunissant
les ministres des Affaires étrangères
des Etats - y compris arabes - participant à
l’intervention, a-t-il précisé.
Il s’est par ailleurs déclaré optimiste sur une
issue rapide de la guerre en Libye, affirmant
lui aussi que l’intervention de la coalition internationale
serait "de courte durée".
"Je n’imagine pas que la cohésion des
autorités de Tripoli reste longtemps intégrale
autour de Kadhafi et de son clan rapproché",
a-t-il dit, avant d’ajouter qu’il ’’n’est pas
question de s’enliser, ce sera une opération
de courte durée".
La première réunion du groupe de contact
sur la Libye, réunissant Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne et pays participant aux opérations
contre les troupes de Mouammar
Kadhafi, se tiendra mardi prochain à Londres,
a souligné hier Alain Juppé.
RAIDS DE LA COALITION CONTRE
DES POSITIONS DE KADHAFI
Mardi soir, des raids de la coalition ont visé
des positions de forces du colonel Mouammar
Kadhafi aux abords et à l’intérieur de
Misrata, troisième ville du pays située à 200
km à l’est de Tripoli, selon un porte-parole
des insurgés. ’’Aujourd’hui, c’est le soulagement.
Les forces de la coalition ont mené
mardi soir des raids intensifs sur des positions
des bataillons de Kadhafi qui ont essuyé des
pertes considérables", a indiqué ce porteparole
sous couvert de l’anonymat. "Nous
avons passé cinq jours difficiles. Nous étions
au bord du désespoir. C’était courageux de
la part de la coalition qui doit continuer à
bombarder les forces" de Kadhafi, a-t-il dit.
"La ville est calme aujourd’hui. Il n’y a que
les snipers qui menacent les habitants. Mais
si la coalition continue ses raids et brouille
les communications des forces du régime,
nous nettoierons la ville des snipers d’ici trois
jours", a-t-il ajouté. Selon lui, les boulangeries
ont pu ouvrir de nouveau mercredi pour
la première fois depuis six jours. Il a affirmé,
par ailleurs, que l’eau et l’électricité était coupées
dans cette ville depuis neuf jours et les
communications depuis trois semaines.
"Misrata est reconnaissante à la coalition
et à la France qui doit nous soutenir davantage
les prochains jours et nous nous chargerons
du reste. Il ne faut pas que les bombardements
s’arrêtent. Il faut frapper les
voies d’approvisionnement de ces meurtriers,
notamment à Zeliten (ouest) et Bani
Walid (sud)", a-t-il ajouté. "Trois jours de
soutien (de la coalition) et Misrata sera libérée
à nouveau", a-t-il estimé. Mardi, dix-sept
personnes dont cinq enfants ont été tués à
Misrata par des tirs de snipers et d’obus des
forces loyales au dirigeant libyen Mouammar
Kadhafi, selon un médecin de l’hôpital
de la ville cité par l’AFP. Lundi, les tirs des
pro-Kadhafi y ont fait 40 morts et plus de
300 blessés, selon la même source.
KADHAFI TOUJOURS LÀ
Mais, malgré l’intensité des bombardements
et la puissance de feu impressionnante
déployée jusque-là par les Etats-Unis et
leurs alliés, Kadhafi est toujours là, omniprésent
dans cette intervention qui a pris les
contours d’une Guerre du Golfe-bis. Lors de
sa première apparition depuis le lancement
de l’offensive, Kadhafi a affirmé devant ses
partisans rassemblés dans sa résidence-caserne
de Tripoli que son pays était "prêt pour
la bataille, qu’elle soit longue ou courte".
"Nous allons gagner cette bataille", a-t-il assuré,
selon les images diffusées par la télévision
libyenne. La coalition, entrée en action
le 19 mars, deux jours après le feu vert
donné par l’Onu avec la résolution 1973,
n’a jusqu’ici pas réussi à mettre un terme aux
affrontements sanglants entre pro et anti-
Kadhafi. Et, sur le terrain, les forces loyales
à Kadhafi n’ont pas cessé leurs bombardements,
selon les insurgés et des témoins, en
dépit de l’annonce par le colonel Kadhafi
d’un nouveau cessez-le-feu dimanche soir.
Selon l’amiral américain Samuel Locklear,
"Kadhafi et ses forces (...) continuent d’attaquer
les populations civiles libyennes".
A Yefren (130 km au sud-ouest de Tripoli),
"les forces de Kadhafi ont entrepris une offensive
meurtrière lundi et mardi dans la région,
et les combats ont fait au moins 9
morts", selon un habitant. Dans la même région
d’Al-Jabal Al-Gharbi, pro et anti-Kadhafi
continuent aussi à s’affronter et un témoin
a affirmé avoir vu "pas mal de corps à
la morgue de Zenten".
PÉTROLE, L’AUTRE GUERRE
CONTRE KADHAFI
Sur le front économique, l’Union européenne
a adopté mercredi des sanctions économiques
contre le principal groupe pétrolier
libyen, la compagnie nationale NOC et
plusieurs de ses filiales, dans l’espoir de priver
de ressources le régime de Mouammar
Kadhafi dans ce secteur stratégique.
La décision prise par les pays de l’UE met
en oeuvre les décisions prises à l’ONU par
le Conseil de sécurité, la semaine dernière,
a indiqué dans un communiqué la présidence
hongroise de l’Union européenne. Mais
elle va plus loin en ajoutant "d’autres sociétés
pétrolières qui n’étaient pas mentionnées
dans la résolution 1973". Concrètement, cette
décision "gèle les fonds et ressources économiques"
des sociétés visées et interdit de
procéder à des paiements en leur faveur, a
souligné la présidence hongroise. Plusieurs
pays occidentaux ont déjà annoncé avoir
gelé les avoirs de la famille de Kadhafi dès
le début des affrontements entre les insurgés
et les forces loyales au régime libyen.
Yazid Alilat
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Source : Le Quotidien d'Oran