Le FLN appelle la France officielle
à demander pardon pour les crimes
commis par la France coloniale.
Il demande aussi à l’ensemble des
pays qui ont été colonisés, de défendre
l’idée de l’élaboration
d’une législation internationale qui
criminalise le colonialisme.
L’Alliance présidentielle a organisé,
jeudi dernier, à l’hôtel Ryadh
de Sidi Fredj, la première conférence
de ses cadres, sous le slogan « la
Révolution algérienne, volonté,
victoire et fidélité. » C’est le secrétaire
général du FLN qui en a inauguré
les travaux puisqu’il est actuellement
le président de l’Alliance. Si
le patron du MSP a choisi d’être
présent et de discourir, le secrétaire
général du RND, lui, a brillé par
son absence. Ce n’est pas le premier
rendez-vous « officiel » qu’Ahmed
Ouyahia rate. Il n’est pas venu
à la cérémonie du 8 mars dernier
où le président de la République
était présent. C’est comme si le Premier
ministre évitait de se montrer
en public. Certainement pour ne
pas avoir à être interpellé sur les
grandes questions de l’heure. Un
ministre nous a même confié
qu’« Ouyahia en a marre, il a demandé
à partir mais le chef de
l’Etat a refusé. » C’est dire que les
esprits officiels ne sont pas aussi sereins
qu’ils veulent le faire croire.
Ce qui est sûr, c’est que Belkhadem
s’est donné jeudi, à coeur joie
pour tomber à bras raccourci sur
la France coloniale. Il reprendra,
pour les besoins de son discours,
toutes les envolées lyriques qu’il a
l’habitude d’employer à chaque
fois qu’il est question de convoquer
l’histoire révolutionnaire du pays.
Seulement, il faut rappeler que depuis
que le projet de loi criminalisant
le colonialisme, élaboré par
une poignée de députés, a été remis
discrètement dans les tiroirs, il
s’est quelque peu résigné à taire ses
émotions. La décision de l’Algérie
et la France de nommer des « Messieurs
Economie » en la personne
de Mohamed Benmeradi pour la
première et Jean-Pierre Raffarin
pour la seconde, « pour être pragmatiques
» en évitant de s’affronter
continuellement et inutilement en
politique, ne lui a pas non plus laissé
beaucoup de choix. Mais il semble
que l’option n’a pas (encore)
réussi aux deux pays. Au plan économique,
le miracle du « pragmatisme
» ne s’est toujours pas produit.
En plus, en ces temps qui rapprochent
l’Algérie de la commémoration
du cinquantième anniversaire
de l’Indépendance, la France se
trouve quelque part, mal à l’aise.
Ses politiques s’interrogent depuis
plusieurs mois sur ce que pourraient
préparer les Algériens comme
programmes à cette occasion.
En visite à Alger l’année dernière,
des hauts fonctionnaires du Quai
d’Orsay ne s’étaient d’ailleurs pas
gênés pour poser des questions à
des journalistes à ce sujet. « A votre
avis, comment ça va être célébré
? » ont-ils demandé. « La célébration
va coïncider avec la tenue
des élections législatives, il est très
probable que les partis politiques
en fassent leurs slogans de campagne
électorale, » a-t-on répondu.
« Alors, ça va être plutôt notre
fête, » lance l’un d’entre eux en
riant, appréhendant une campagne
médiatique sans précédent.
« NOUS N’OUBLIONS
PAS, NOUS NE TOURNONS
PAS LA PAGE »
Le SG du FLN saisit cette fois, la fête
du 19 mars, date de la victoire -le
cessez-le feu- pour acculer la France.
« Il devient pour nous impératif
de ne pas faire de nos fêtes nationales
et historiques de simples festivals
de discours, mais d’en faire des occasions
pour convoquer l’histoire et
la relire pour en dévoiler tous les drames
commis par le colonialisme (…) »
a-t-il souligné. Il considère que cette
première conférence des cadres de
l’Alliance présidentielle est « le début
d’une démarche qui s’inscrit dans la
durée (…) qui nous oblige à mettre
à nu les objectifs et les visées dirigés
contre notre révolution et aussi les
pratiques du colonialisme que l’on
ne peut classer que dans la case des
crimes contre l’Humanité (…). » Belkhadem
affirme : « nous n’oublions
pas, nous ne tournons pas la page
et nous nous attachons à des droits
qui seront toujours revendiqués jusqu’à
ce que la France officielle demande
pardon pour les pratiques de
la France coloniale. » Il estime que
« l’histoire restera l’histoire et personne
ne peut changer ce qui s’est passé. » Il confortera ses propos par un
rappel des drames des populations
des frontières Est et Ouest provoqués
par les mines anti-personnel et ceux
des populations du Sud causés par
les effets des essais nucléaires de la
France coloniale. Le SG du FLN a
déclaré, à la fin de la conférence, que
« nous voulons incruster dans la conscience
de nos jeunes, le devoir de
mémoire (…). Nous voulons une législation
au plan international qui
criminalise le colonialisme. » Cette
dernière demande de Belkhadem se
voudrait un socle institutionnel qui
permettrait à tous les pays qui ont
été colonisés d’obliger ceux qui les
ont colonisés à reconnaître leurs crimes.
Il évitera de défendre l’adoption
de la loi criminalisant le colonialisme
comme l’a fait, dans son
intervention, le SG de l’Organisation
nationale des Moudjahidine
(ONM), parce qu’il sait que l’Algérie
n’a pas les instruments juridiques
qu’il faut pour la faire voter
par ses institutions. Le président du
MSP ira dans le même sens. « La
France officielle doit demander
pardon, reconnaître ses crimes et
s’acquitter des indemnisations, »,
dira Boudjerra Soltani. Le RND
fera par contre, cavalier seul. Représenté
par Mohamed Tahar
Bouzghoub, le parti d’Ouyahia ne
tiendra pas le même discours. Il
faut dire que le SG du RND a toujours
refusé que la France fasse ses
excuses à l’Algérie. « Ça ne sert à
rien, ça n’effacera pas les crimes
commis par le colonialisme, » a-t-il
soutenu, dans un passé récent.
Beaucoup d’Algériens partagent
cette idée parce qu’ils estiment que
le pardon n’est pas nécessaire puisque
l’histoire a retenu que la Révolution
algérienne est sortie grandie
de la longue nuit coloniale.
Bouzghoub appellera cependant,
les politiques à oeuvrer « pour la
stabilité de l’Algérie face aux tempêtes
qui visent le monde arabe
et musulman sans distinction. » Ce
sont les rares propos qui ont été
entendus jeudi et qui rappelaient
la grave vérité de l’heure.
Ghania Oukazi
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Source : Le Quotidien d'Oran