Au 20ème jour de l’insurrection libyenne
que le colonel Kadhafi
persiste à présenter comme
l’oeuvre d’Al-Qaïda, la bataille pour le
contrôle de la Libye se poursuit avec
plus d’âpreté.
Elle devient, de plus en
plus, dure à mesure que les insurgés
avancent en direction de Tripoli. Si la
progression des insurgés est réelle, les
partisans de Kadhafi résistent et lancent
aussi des contre-offensives. L’évolution
de la situation militaire reste très indécise
et indique que le conflit pourrait
durer longtemps, ce qui accroît le risque
d’une intervention occidentale directe,
aux conséquences redoutées et
redoutables. C’est sur le terrain politique
que les choses avancent, avec une
insurrection qui s’organise. Le Conseil
national libyen (CNL) que préside l’ancien
ministre de la Justice Moustafa Abdeldjeïla,
a ainsi nommé un comité de
crise de trois membres pour accélérer
la dé-légitimation du régime de Kadhafi
et se placer comme le représentant
qualifié de la Libye. Ce comité de crise
est présidé par Mahmoud Djebril, qui
faisait partie, avant le déclenchement
de l’insurrection, d’un groupe d’intellectuels
oppositionnels appelant à l’établissement
d’un Etat démocratique. La
diplomatie a été confiée à Ali Essaoui,
ancien ambassadeur en Inde qui a démissionné
le mois dernier. Quant aux
affaires militaires, elles ont été confiées
à Omar Hariri. Il s’agit d’un ancien officier
qui faisait partie du groupe qui a
aboli la monarchie en 1969 avant d’être
emprisonné. Le CNL, qui ne se présente
pas comme un gouvernement provisoire,
a de nouveau réaffirmé son rejet
d’une intervention militaire étrangère en
Libye tout en demandant un appui aérien
contre les forces de Kadhafi. Moustafa
Abdeldjeïl, a répété que les insurgés
ne voulaient pas de soldats étrangers
sur le territoire libyen et avaient
des forces suffisantes pour chasser
Kadhafi. « Nous sommes assez
nombreux et déterminés pour libérer
toute la Libye. Tout ce que nous
demandons, ce sont des frappes
aériennes, le plus rapidement possible,
pour nous aider ».
DES MILITAIRES
BRITANNIQUES ARRÊTÉS
Les insurgés ont d’ailleurs montré
qu’ils ne transigeraient pas sur cette
question. Ils ont capturé une unité des
SAS, les forces spéciales britanniques,
après l’échec d’une mission diplomatique
clandestine, selon « Sunday Times ».
Les soldats des SAS, qui seraient au
nombre de huit, escortaient un diplomate
du Foreign Office, en mission dans
l’est du territoire libyen, tenu par les rebellions,
précise le journal qui cite des
sources libyennes. Ils ont été transférés
à Benghazi, la deuxième ville du pays
et épicentre du soulèvement. D’après
le « Sunday Times », l’intervention des
SAS, au côté du diplomate aurait déplu
à certaines personnalités de l’opposition
libyenne qui ont ordonné leur
placement en détention sur une base
militaire. Pas question pour l’insurrection
de prêter le flanc aux accusations
de Kadhafi de favoriser une intervention
militaire directe en Libye. Le message
hostile à l’intervention étrangère
semble entendu. Le ministre français
des Affaires étrangères Alain Juppé a
déclaré que la France et plusieurs de
ses partenaires « ne sont pas favorables
à une intervention militaire occidentale
en Libye qui aurait des effets
tout à fait négatifs ». Mais le risque reste
posé en cas de prolongation du conflit.
S’agissant de la zone d’exclusion aérienne, il a estimé qu’elle ne pouvait se
concevoir que « sous un mandat des Nations
unies et avec la participation de la
Ligue arabe et de l’Union africaine ». L’autre
objectif du CNL est de se faire reconnaître
aux niveaux arabe et international comme
unique représentant du peuple libyen.
LES « PILULES
HALLUCINOGÈNES »
DE KADHAFI
En face, Mouammar Kadhafi continue
à jouer à faire peur aux Occidentaux
avec la menace d’Al Qaïda qu’il
présente comme à l’origine de l’insurrection.
Il dit « s’étonner » que les Occidentaux
ne comprennent pas qu’il
mène un combat contre le terrorisme.
Contre l’évidence des faits, Kadhafi
persiste à convoquer Ben Laden comme
argument. Selon lui, Al Qaïda a
donné des « instructions à ses cellules
dormantes en Libye de faire surface »
et affirme que les djihadistes ont drogué
les jeunes Libyens aux « pilules hallucinogènes
». Le « guide » ne mesure pas
à quel point son discours tourne à vide.
Son souci obsessionnel de faire peur
aux Occidentaux contre son peuple est
pathétique. « Il y aura un Jihad islamique
en face de vous, en Méditerranée
(…) Les gens de Ben Laden viendront
imposer des rançons sur terre et sur mer.
On reviendra au temps de Barberousse,
des pirates, des Ottomans qui imposaient
des rançons sur les bateaux.
Ce sera vraiment une crise mondiale et
une catastrophe pour tout le monde. ».
Le gouvernement de Kadhafi a décidé
la suppression des droits de douanes
à l’importation de produits de première
nécessité et la suppression
des taxes à la consommation et à la
production. Cette décision a été prise
« à l’occasion des grandes victoires libyennes
sur les bandes terroristes », selon
la télévision libyenne.
BATAILLE
DE COMMUNICATION
Les « grandes victoires » en question
sont très relatives.Elles font partie de
l’intense bataille de communication livrée
par les deux parties. Les insurgés
disent avoir pris contact avec la tribu
des Gaddadfa, celle de Mouammar
Kadhafi, qui se trouve à Syrte et s’être
emparés de Nofilia. Ils affirment n’attendre
qu’un signal des habitants de
Syrte pour s’emparer de la ville. « Je
pense que 70 % des habitants sont avec
nous, mais ils nous ont dit de ne pas
entrer dans Syrte par crainte de violents
combats. On va attendre qu’ils nous
disent quand ils seront prêts », a déclaré
Bachir Abdoul Gadir, l’un des commandants
des insurgés qui a estimé à 8.000
le nombre de combattants rebelles présents
entre Ras Lanouf et Nofilia. Mais, selon certaines
informations, Syrte ne sera pas facile
à prendre avec des combattants en armes,
fidèles à Kadhafi, estimés à plus de
20.000. Les forces pro-Kadhafi se sont concentrées
sur Misrata (200 km à l’est de Tripoli)
qui a été prise par l’insurrection depuis
plus d’une semaine. Des unités de la
milice de Khamis Kadhafi, un des fils du
colonel Kadhafi, ont lancé l’assaut contre
la ville qui était le théâtre de violents
combats. Les insurgés qui contrôlent la ville
de Zawia, assiégée par les forces pro-
Kadhafi, affirmaient hier qu’ils résistaient.
Ils ont repoussé samedi deux assauts. Hier,
selon les chaînes satellitaires arabes, il y
aurait eu des frappes aériennes et des
tirs d’artillerie contre cette ville qui se trouve
à 50 km de Tripoli et que les forces pro-
Kadhafi veulent prendre afin de sanctuariser
la capitale où se retranchent Kadhafi
et son clan. Les insurgés se préparaient
à de nouveaux assauts.
Salem Ferdi
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Source : Le Quotidien d'Oran