Mustapaha Khiati, président
de la Fondation
nationale pour la promotion
de la santé et le développement
de la recherche (FOREM) a tiré hier
la sonnette d’alarme.
S’exprimant
sur les ondes de la radio Chaîne 3,
il a affirmé que le nombre de consommateurs
de drogue peut dépasser
un million en Algérie. Précision
toutefois : pour lui, « ce chiffre n’est
pas fiable, c’est une estimation. Ce
chiffre est basé sur les données des
organisations internationales qui estiment
entre 2 et 3% de la population
le nombre consommateurs permanents,
ce qui donne le chiffre
d’un million ». « Mais, insiste-t-il, ce
chiffre n’a pas de signification particulière
car les données évoluent chaque
jour ». Pour lui, « cela ne sert à
rien d’avancer des chiffres. On ne
fait rien sur le terrain malheureusement.
Arrêtons de donner des chiffres,
il faut agir ! »
L’invité de la radio rejette ainsi les
chiffres annoncés la semaine dernière
par le directeur général de l’Office
national de lutte contre la drogue
et la toxicomanie, Abdelmalek
Sayah, qui a estimé le nombre de
consommateurs de drogue en Algérie
à 250 000. « Il peut y en avoir le
double ou le triple », a considéré M.
Khiati. Il soutient que « le phénomène
de la drogue est dynamique et
évolue chaque jour ». Il rappelle qu’à
la fin 2009, 70 tonnes de cannabis
ont été saisies par les services de sécurité.
« C’est un voyant rouge qui
s’est allumé. Il y a également la consommation
des drogues dures telles
que la cocaïne dans les grandes
villes et qui prend de l’ampleur. C’est
inquiétant », a-t-il constaté. « Avant,
ajoute-t-il, la consommation des
drogues dures était un fait exceptionnel,
mais d’année en année, ceci
est devenu un fléau, surtout dans
les grandes villes ». Selon le président
de la FOREM, de plus en plus
de jeunes s’adonnent à la drogue à
un âge précoce. « La drogue a atteint
les collégiens. Même les enfants
de 12 ans commencent à en être victimes,
surtout ceux qui vivent dans
les rues. Mais, généralement, on
commence à en goûter dès 15 à 16
ans », constate-t-il. Pour le professeur
Khiati, les 15-30 ans sont les plus
touchés par le phénomène de la
drogue en Algérie. Autre phénomène
nouveau cité par l’invité de la
radio : de plus en plus de femmes
consomment de la drogue, notamment
dans les grandes villes. « A Delly Brahim et Ben Aknoun (Alger),
la drogue fait fureur au sein des
étudiantes. Dans les endroits, la consommation
de drogue par les femmes
oscille entre 11 et 17 %», relève-
t-il. Mustapah Khiati a dressé un
bilan mitigé de l’action de prévention
contre la drogue en Algérie.
« Nous avons maintes fois prévu des
actions en direction des élèves et de
la jeunesse mais, malheureusement,
les ministères de tutelle nous ont
toujours opposé des réponses en
recourant à la langue de bois », regrette-
t-il. Selon lui, l’Office de lutte
contre la drogue et la toxicomanie
ne fait rien sur le terrain. « Cet office
a beaucoup perdu de ses prérogatives
en passant de la tutelle du Premier
ministère à celui de la Justice.
On ne peut pas être juge et partie
en même temps. On doit revoir le
fonctionnement de cet office, adopter
une stratégie nationale et créer
un mécanisme de coordination qui
peut permettre d’agir concrètement
sur le terrain », suggère-t-il. « La société
civile est marginalisée. Depuis
plusieurs années, on n’arrive pas à
engager un travail sérieux sur le terrain
», a-t-il déploré. Pour lui, il faut
mettre les bouchées doubles et mettre
le cap sur la prévention et la sensibilisation.
« Il est nécessaire, explique-
t-il, de revoir la stratégie de lutte
en créant de véritables assises
pour unifier la stratégie en dehors
de l’aspect sécuritaire ». Et d’affirmer
que sa fondation a déjà à son actif
le lancement d’un programme de
formation d’éducateurs de quartier
dans des wilayas où les autorités
se sont montrées réceptives.
« Dans certaines wilayas, on a tendance
à nier l’existence de ce problème
», a-t-il encore regretté. Et
de recommander la nécessité
d »impliquer les associations et les
familles, plaidant en faveur d’une
stratégie qui ciblerait les jeunes en
s’appuyant sur une sorte de réseau
qui donne l’information dynamique
afin de procéder à une
analyse et agir en conséquence.
Le professeur Khiati estime qu’« il
y a des modèles de par le monde
qui doivent être adaptés à la réalité
en Algérie.
C’est le cas des actions en vigueur
dans le Sud de l’Europe : aller vers
les jeunes et travailler avec eux ». Enfin,
le président de la FOREM plaide
en faveur de la révision de la loi
de 2004 pour consacrer la dépénalisation
de la consommation occasionnelle
mais d’instaurer des peines
lourdes et incompressibles pour
les narcotrafiquants
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Drogue
Source : Le Quotidien d'Oran