Des sénateurs français de droite
ont proposé une mise à jour de
la fameuse loi n° 2005-158 du
23 février 2005 glorifiant la colonisation
qui avait provoqué un sérieux froid entre
Alger et Paris et entraîné une remise
en cause définitive du projet de traité
d’amitié entre l’Algérie et la France.
Ce texte, déposé en février, est entièrement
consacré à la protection des harkis
et des forces supplétives contre toute
« injure ou diffamation ». Les sénateurs
de droite, qui rappellent que la loi du
23 février visait « à répondre au malaise
des harkis, en rendant leur dignité aux
anciens combattants ayant servi dans
l’armée française en tant qu’anciens
supplétifs, et victimes d’allégations injurieuses
et de propos discriminatoires
en raison de leur engagement militaire
pendant la guerre d’Algérie », veulent
des sanctions pénales à l’appui.
L’art 5-1 que les sénateurs entendent
introduire dispose que les « injures » et
« diffamations » commises contre une
« personne ou un groupe de personnes
en raison de leur qualité vraie ou supposée
de harki ou d’ancien membre
des formations supplétives ayant servi
en Algérie est punie de la peine prévue
par le troisième alinéa de l’article
33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse ».
L’article en question de la loi de 1881
sur la liberté de la presse prévoit des
peines allant de 12.000 euros à une
peine de six mois de prison et
22.500 euros d’amende. Les auteurs
de la proposition veulent aussi accorder
aux associations de harkis à se
constituer parties civiles.
Il faut préciser que la loi sur la liberté
de la presse porte sur des injures envers
des personnes et des groupes de
personnes « à raison de leur origine ou
de leur appartenance ou de leur nonappartenance
à une ethnie, une nation,
une race ou une religion déterminée ».
LES HARKIS « ONT VOCATION
À ÊTRE COCUS…
DES SOUS-HOMMES »
Etre « harki » ou « membre de forces
supplétives » est un fait d’histoire – comme
être policier, soldat ou… indicateur – qui n’est pas assimilable à une appartenance
ethnique. Les sénateurs
français ne l’ignorent sans doute pas…
Mais ils sont dans l’esprit électoraliste
de la loi du 23 février qui a essayé d’imposer
une lecture de l’histoire. Les historiens
français, les premiers à réagir contre la loi, se retrouvaient ainsi contraints
à enseigner une histoire officielle
et à dépeindre en rose la présence
française dans ses ex-colonies.
C’est aussi Georges Frêche, le socialraciste
décomplexé qui, en tançant vertement
des harkis ayant basculé dans
le camp de l’UMP, a inspiré les députés
de droite. Frêche s’en était pris en 2006
avec violence à ces harkis « qui ont vocation
à être cocus toute leur vie… (…).
Vous êtes des sous-hommes ! Rien du
tout ! Il faut que quelqu’un vous le dise
! Vous êtes sans honneur ! Vous n’êtes
pas capables de défendre les vôtres !
Voilà, voilà… Allez, dégagez ! ».
En septembre 2007, la Cour d’appel
de Montpellier avait retenu les charges
d’expressions outrageantes et de négations
à l’appartenance à la nature humaine
qui « renvoient aux expressions
utilisées par les doctrines raciales nazies
». Mais la même cour avait relaxé
Georges Frêche au motif que « l’article
5 de la loi du 23 février 2005, qui prohibe
toute injure ou diffamation commise
envers une personne ou diffamation
commise envers une personne
ou un groupe de personnes en raison
de leur qualité vraie ou supposée
de harki, se borne à indiquer que
l’Etat assure le respect de ce principe
dans le cadre des lois en vigueur, sans
renvoyer aux dispositions de la loi du
29 juillet 1881 ?. La proposition
d’amendement vise donc à adosser la
loi du 23 février aux sanctions prévues
dans la loi sur l’information.
UNE LECTURE OFFICIELLE
DE L’HISTOIRE DES… HARKIS ?
S’il peut paraître compréhensible que
des harkis et leur descendance puisse
bénéficier d’une protection contre des
outrances similaires à celles de Georges
Frêche, il reste que ce nouvel article
proposé dans une loi déjà controversée
peut également servir à imposer une
lecture officielle de l’histoire.
Pour l’écrasante majorité des Algériens,
les harkis sont des collaborateurs
de l’occupant français. Dans la langue
algérienne, « harkis » et « collabos » sont
des synonymes. Le mot « harki » est une
insulte en soi. Mais ce n’est pas seulement
une vision de la société. Des historiens,
dans le cadre de leur travail, sont
amenés à en faire le constat, comme
d’autres le font pour les collaborateurs
français avec l’occupant allemand. Ce
qui est un constat largement établi ici,
peut être présenté, au regard de ces dispositions
proposées, comme une « insulte
» ou une « diffamation » .
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Source : El-annabi.com